C’est qui ? Gali !

Dans un pays aussi hyper centralisé que le Rwanda, il serait presque possible de passer toutes ses vacances à Kigali.

Presque.

Ce serait quand même dommage de venir en Afrique sans aller voir des paysages sympas ou des animaux sauvages dans leur milieu naturel. Mais le pays est petit, les routes très correctes (pour le continent), et même si c’est une solution que je n’ai pas utilisée, il reste possible de faire des petites excursions à la journée en partant tôt le matin et en rentrant à la tombée de la nuit. Reste à voir si ça a un intérêt pour quelqu’un qui voyage dans des conditions « normales », l’hébergement étant plus cher dans la capitale qu’ailleurs dans le pays.

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Si à l’inverse vous ne faites qu’un bref passage par Kigali, la visite incontournable est sans doute le Mémorial Gisozi, qui commémore le génocide de 1994. J’y suis allé dès mon premier jour complet sur place. Après tout, le jour un n’est-il pas celui qu’on retient, ou encore celui qui s’efface quand tu me remplaces, d’après l’une des plus grandes chanteuses de notre époque ?

Pour être franc, malgré les avis positifs lus à son sujet, j’y allais en m’attendant à trouver un peu de propagande, à lire que le pouvoir en place avait sauvé le pays… Les exemples ne manquent pas : le Red Terror Martyrs Museum d’Addis-Abeba se résume à ça, le Death Railway Museum de Kanchanaburi semble oublier que les thaïlandais étaient copains avec les japonais et les nazis pendant la seconde guerre mondiale, et la plupart des musées militaires britanniques accordent plus de place à la bataille de Waterloo qu’à celle d’Austerlitz.

Et en fait… non. Pas de parti-pris, malgré qu’il s’agisse d’événements récents. Un récit des faits assez en accord avec l’histoire qu’on peut lire ailleurs, qui n’accable et ne glorifie personne. C’est vrai qu’ils donnent aux français le rôle des méchants qui auraient aidé certains commanditaires à fuir alors qu’il y a une controverse là-dessus, mais à part ça… L’histoire est écrite de manière honnête, et ne verse pas dans l’émotion facile, sauf peut-être à la fin avec la « galerie des enfants »…

…et à l’extérieur avec les espaces de recueillement.

Trois points appréciables : d’abord, tout est traduit en français (ainsi qu’en anglais et en kyniarwanda). Ensuite, l’exposition se finit par une partie sur tous les autres génocides majeurs qu’il y a eu dans le monde, elle aussi très bien documentée. Enfin, la visite est gratuite même si une donation est bien sûr vivement encouragée. Dommage en revanche que les photos soient interdites à l’intérieur : je ne vois pas en quoi ça les gênerait, et au contraire cela permettrait de faire davantage connaître et l’endroit, et leur histoire. Enfin, pour être plus précis, les photos sont autorisées… moyennant 20 dollars. C’est pourquoi il faudra vous contenter de la photo du mur du Mémorial !

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On reste sur l’année 1994 avec la visite du mémorial belge à Camp Kigali. Au tout début du génocide, la première ministre rwandaise fut placée sous la protection de dix soldats belges. Ils ont été amenés ici par la ruse avant d’y être tous exterminés, non sans s’être défendus comme en témoignent les nombreux impacts sur le mur laissé en l’état.

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Les onze pierres carrées représentent chacun d’entre eux nominativement, et quelques panneaux d’information permettent d’en savoir un peu plus sur ce qu’il s’est produit ce jour-là.

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Et si on remonte encore le temps… Avant sa ministre, le président Habyarimana avait été le premier à être assassiné, son avion ayant été abattu alors qu’il amorçait sa descente envers l’aéroport. Le hasard faisant mal les choses, l’avion s’est scratché… dans son jardin. Il est donc possible de visiter sa maison, y compris les parties extérieures où les débris de l’avion ont été laissés en l’état. Pour une raison qui m’échappe encore, les photos sont autorisées partout… sauf celles des débris de l’avion explosé justement.

Rwanda 23Les jardins d’Habyarimana…

Contrairement aux deux précédentes, je ne la recommande pas spécialement. Déjà parce qu’on a eu son lot de visites en rapport avec 94 avec les deux mémoriaux. Ensuite parce que la maison elle-même n’a que peu d’intérêts, on voit certes toutes les pièces avec les explications sur où il vivait, où est-ce qu’il recevait les personnalités, etc. Mais sachant que tout le mobilier de l’époque a été pillé pendant le génocide, on a du mal à se projeter. Contrairement à Gisazi ou à Camp Kigali, la visite est ici payante (pas très chère mais bon, les deux autres étaient gratuites) et très éloignée du centre puisqu’on est tout près de l’aéroport. Elle ne mérite pas forcément tout ce chemin.

Une dernière : la maison de Kandt ! Qui c’est lui ?

Kandt la boiteuse s’en va au marché ?

Rien à voir. Kandt est un explorateur allemand (demi-pléonasme : 99 % des explorateurs sont des boches), qui a fondé Kigali et qui reste une figure locale, un peu comme le général de Gaulle à Colombey-les-deux-églises quoi. Sa maison est devenu un musée. Une petite partie montre son bureau avec quelques reliques lui ayant appartenu.

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Le reste, c’était jusqu’à il y a peu un musée d’histoire naturelle. Il a été entièrement remodelé il y a quelques mois et est désormais un musée sur l’histoire pré-coloniale du pays. Il montre le Rwanda avant la colonisation, et aussi durant l’occupation allemande, une période méconnue puisque c’est surtout une ancienne colonie belge dans l’esprit des gens. De l’agriculture aux religions en passant par l’économie, on ratisse large. Une partie intéressante montre comment le découpage des frontières a été négocié entre les puissances coloniales, et comment à force de compromis on est finalement arrivé à des limites « naturelles » au lieu des grandes lignes droites qu’on trouve dans le nord et l’ouest du continent.

Rwanda 24bKandt a même droit à sa statue SVP !

A part ça ? Et bien Kigali reste une capitale et offre donc plusieurs activités : des centres commerciaux, des cinémas (essentiellement en VO et les éventuels sous-titres sont en kinyarwanda), des marchés, des galeries d’art, principalement. Pour les achats de souvenirs, le village Caplaki regroupe une cinquantaine d’artistes… dont beaucoup qui font à peu près les mêmes choses. Mais il donne un bon aperçu de l’artisanat local et a l’avantage de tout regrouper au même endroit même si en contrepartie, c’est un peu plus cher ici qu’ailleurs. Faut négocier !

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Dans un tout autre genre, le stade Amahoro accueille, avec ses 30.000 places, les principales rencontres de football du pays. Mais hors évènement, il organise plusieurs activités. La boxe a beaucoup de succès auprès des expat’, mais on peut y aller juste pour courir dans un cadre sympa…

J’ai également grimpé le mont Kigali, une colline au nom original qui domine la ville et est facilement accessible à pied – même si depuis l’hypercentre, il est judicieux de se rendre en moto-taxi au stade Nyamirambo, où s’achève la route goudronnée et commence la montée !

Rwanda 26bVoila qui ressemble déjà un peu plus à l’Afrique !

Un peu de nature dans ce milieu urbain fait du bien mais n’espérez pas une vraie randonnée, ni une vue à couper le souffle une fois au sommet. C’est vraiment juste histoire de quitter la ville le temps d’une demi-journée.

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Et après tous ces efforts, j’ai profité de mon dernier jour pour une petite détente dans la piscine de l’Hôtel des Milles Collines. Pourquoi celui-ci, qui n’est pas le seul – ni le moins cher – hôtel de la capitale à proposer l’accès aux non-résidents ? Pour le côté historique : c’est dans cet hôtel qu’ont été abrités et sauvés plus d’un millier de personnes pendant le génocide… Et c’est donc le fameux hôtel du film « Hôtel Rwanda » ! Un emblème du pays, quelque part…

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Le bilan :

Difficile de comparer ce voyage à ceux en Floride, à Cuba ou en Grèce, pour citer quelques-uns des plus récents…

Ce n’est pas forcément une destination que je conseillerais à quelqu’un qui n’est jamais sorti de chez lui – sauf énorme opportunité en connaissant quelqu’un sur place, comme ce fut mon cas.

Par contre, pour quelqu’un qui a déjà un peu baroudé à droite et à gauche, qui a vu des pays d’Asie, d’Europe du Nord, d’Amérique latine… Et bien c’est à faire ! Le Rwanda est une belle porte d’entrée sur l’Afrique : parce que la capitale est un peu occidentalisée, parce que le pays m’a semblé super sécurisé, et parce que sa petite taille permet d’en avoir assez vite un bon aperçu, bien aidé en cela par le bon état de la voirie. Le côté francophone peut aussi rassurer même s’il tend à disparaître.

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Même en pleine nuit, Kigali reste « hyper secure » !

Mais en dépit des réactions qu’auront les gens au début – du genre « quoi, le Rwanda, mais t’es fou, tu vas mourir ! » – ce n’est clairement pas la bonne destination si vous cherchez un dépaysement total, des sensations fortes, et tous les clichés sur l’Afrique subsaharienne. Vous voulez réellement risquer votre peau en sortant dans la rue après le coucher du soleil, vous faire arnaquer sur tout et découvrir chaque jour de nouvelles maladies ? Le Libéria, le Soudan ou même le voisin congolais me paraissent plus indiqués !

Les bonnes adresses :

J’ai testé pas mal de restos sur Kigali et en préambule, faut savoir que la plupart d’entre eux s’adressent à une clientèle aisée (locale ou non). Dans la culture traditionnelle du pays, manger en public était très mal vu et si les mentalités ont évolué, les gens ont gardé l’habitude de manger chez eux, en famille.

On trouve de la restauration classique, de différentes gammes mais même les premiers prix sont rarement accessibles à la majorité des rwandais. Presque tout est préparé à la demande et le service est souvent très long. Mais à midi, beaucoup d’établissements proposent une formule buffet où pour un coût raisonnable (entre 1.500 et 2.500 FRW), vous pouvez vous servir à volonté. Crudités en entrée, fruits en dessert, et entre les deux toutes sortes de viandes, légumes et féculents. Ces formules ont principalement été développées pour les fonctionnaires qui représentent une bonne part de la population active, et n’ont souvent qu’une heure pour manger à la pause méridienne.

Camellia : dans la zone piétonne du centre-ville, ce salon de thé ouvert toute la journée propose aussi de la restauration classique le soir et un buffet à midi. C’est ce dernier que j’ai testé et sur les trois formules du genre que j’ai essayées, c’est celle qui aura mon vote ! Beaucoup de choix et un cadre sympa pour 1.500 FRW à peine. Les jus de fruits et les cocktails, tous faits maison, sont délicieux – mais font vite grimper la note par contre.

La Galette : le rendez-vous des expat’s. Une partie épicerie permet de trouver, à des prix élevés, toutes les marques qui vous manqueront si vous restez longtemps loin de chez vous : des Pringles, du Nutella, du rhum Bacardi… Ainsi que des baguettes ! Côté restauration, il est possible de prendre un petit-déjeuner café-croissant, ou de déjeuner sur le pouce avec un Ricard et un croque-monsieur !

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Le Ricard© qui fait du bien !

New Cactus : le « new » c’est juste parce qu’avant il était dans l’hypercentre et qu’il s’est déplacé pour être dans un cadre plus agréable. Là-dessus c’est réussi. Resto passe-partout qui propose aussi bien des grillades que de la cuisine locale en passant par quelques spécialités italiennes. J’ai testé le poulet moamba, une recette congolaise, très réussie !

Cucina : ce fut le petit plaisir du dernier soir : on boxe dans une autre catégorie avec ce restaurant italien « chic » situé à l’intérieur de l’hôtel Marriott. Les prix y sont européens (impossible de s’en tirer à moins de 10.000 FRW) mais la prestation est digne d’un resto haut-de-gamme chez nous.

Le point budget :

Pour ces quinze jours, je m’en suis tiré à environ 900€ avec à la louche :
– 400€ pour le vol AR Lyon-Kigali ;
– 30€ pour le visa ;
– 25€ pour les quelques nuits hors Kigali ;
– 110€ pour le week-end « safari » à l’Akagera ;
– 50€ de transports (moto-taxi, taxis pour l’aéroport, bus pour les excursions) ;
– 60€ pour les visites/activités ;
– 60€ pour les achats de babioles à ramener, de cartes postales…
– par déduction, un peu moins de 160€ de bars/restaurants/courses. Et sans se priver !

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Une des innombrables galeries d’art, pour les « souvenirs »…

Pour être tout-à-fait précis il faudrait ajouter à ce coût les cadeaux ramenés à ma pote pour la remercier de son hospitalité pour ces quinze jours (essentiellement du fromage, du saucisson et du chocolat !), le trajet jusqu’à Lyon, la malarone pour pas choper le paludisme, et le vaccin contre la fièvre jaune qui n’est pas donné – mais valable à vie – mais j’ai pas tenu de comptes assez précis pour ça… Peut-être 1.000€ tout compris ? Ce qui reste très raisonnable pour quinze jours !

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